L'accordéon Diato des amateurs

 

 

Apprentissage et mémoire

 

 

La mémoire c'est quoi?...


Nos neurones se connectent entre eux grâce à leurs ramifications

 

La mémoire est constituée par les réseaux de neurones qui se construisent pendant notre vie fœtale selon les " plans " encodés dans notre génome. Dès que l'encéphale du fœtus est constitué, les cellules du cerveau naissant, les neurones donc, établissent tout de suite des liaisons avec les cellules voisines et ainsi de proche en proche. Au bout de quelques mois les neurones auront tramé l'ensemble du corps, d'un réseau d'une centaine de milliards de cellules nerveuses. Ces cellules pourront communiquer entre elles et former un réseau riche de un million de milliards de connexions. Ce réseau est structuré et relié au cerveau qui en est le coordonnateur.

 

Et elle fonctionne comment?

 

Pour fonctionner le réseau neuronal va confectionner une immense bibliothèque (le disque dur en quelque sorte) où seront stockées toutes les informations. Cette bibliothèque se constitue en multipliant le processus de base suivant:

Lorsque nous apprenons à jouer une phrase musicale au diato nous engageons deux processus parallèles: l'un pour apprendre l'air c'est-à dire la suite des sons, et l'autre pour apprendre à nos doigts un chemin sur le clavier pour jouer cet air. Bien qu'indépendants l'un de l'autre, les deux processus sont identiques dans leur principe.

Les informations (une suite de sons pour l'un, un chemin des doigts pour l'autre) suivent un certain trajet à travers le réseau neuronal pour arriver des capteurs sensitifs (l'oreille pour les sons, les capteurs tactiles du bout des doigts pour le chemin) au centre de traitement dans le cortex cérébral.

Il y a alors deux possibilités:

  • Soit l'information trouve un chemin neuronal déjà existant. Alors une trace va se manifester à chaque carrefour de neurones (qu'on appelle synapse) par la mise en place d'un "panneau indicateur de direction" (Il s'agit d'une modification biochimique de l'espace synaptique).
  • Soit l'information ne trouve pas de chemin valable (Dans le langage courant on dit que "Ca ne rentre pas!"). Alors, si on insiste pour que ça rentre quand même, le réseau neuronal va créer des ponts en développant une fibre supplémentaire (généralement une dendrite) et ainsi lancer une nouvelle connexion inter neuronale, marquée elle aussi chimiquement de panneaux indicateurs.

Mais ces connexions et panneaux indicateurs ne restent en place que si le chemin est emprunté souvent, c'est-à dire si on fait circuler la même information suffisamment souvent.. Si c'est le cas le nouveau chemin balisé devient permanent.(Dans ce cas il constitue un engramme). Dans le cas contraire il disparait, purement et simplement, tout comme un sentier insuffisamment fréquenté.

 


La matérialisation de nos premières connexions neuronales

En d'autres termes, la mémorisation se traduit par une modification de la biochimie le long du trajet neuronal. C'est cette modification qui constitue la trace, par un processus de codage chimique.
Ainsi, dès que les lèvres du nouveau-né auront touché pour la première fois le sein de la mère, une "sensation" se traduit chimiquement sur le trajet nerveux des lèvres au cerveau. La prochaine fois que le bébé ressentira à nouveau la faim, un signal sera transmis le long des trajets nerveux déjà codés. Il réenclenchera un processus qui conduira les lèvres du bébé à rechercher à nouveau le sein.

Chaque expérience nouvelle est matérialisée sur un trajet nerveux particulier. Compte tenu du nombre d'informations stockées, dont dispose un adulte, obtenues grâce aux sens du toucher, de l'odorat, de la vue, de l'ouïe, mais aussi du langage, il est facile d'imaginer les milliards de connexions qui seront ainsi " marquées ". Rien que pour enregistrer les différentes composantes d'un son, plusieurs millions seront nécessaires.

 

Une des règles: recommencer..

 

L'établissement de ces connexions constitue le premier stade de la mémorisation. Mais ces connexions ne sont pas stables d'emblée: la mémoire est effaçable et s'estompe plus ou moins vite en l'absence de réutilisation. Pour que la gravure se fasse il faudra que l'information soit de forte intensité (par exemple associée à une émotion), ou qu'elle se répète régulièrement. Alors nos centres nerveux la reconnaîtront comme un message permanent, comme une référence.
Les réactions chimiques qui accompagnent cette "gravure" deviennent alors quasi irréversibles. Elles deviendront des informations engrammées qui vont constituer la mémoire à long terme.

 

Les sentiers de la mémoire


Chaque répétition imprime un peu plus le chemin.

 

Plus un trajet nerveux, (que l'on peut comparer à un chemin) sera utilisé souvent et longtemps, plus la connexion aura tendance à se stabiliser, à se fixer.
L'engrammage se fait exactement comme se font les sentiers dans la nature : Imaginons un pré dans lequel pousse une herbe verte et régulière, sur laquelle se condensent les fines gouttelettes de rosée matinale. Si un promeneur traverse le pré, on pourra assez facilement retrouver le chemin qu'il aura suivi, même après plusieurs heures: il suffira pour cela de repérer les endroits où l'herbe aura été foulée et de laquelle la rosée aura disparu.
Mais si nous cherchons ce chemin après plusieurs jours, la nature aura déjà redressé l'herbe foulée, et ainsi, effacé les traces. Par contre si ce même chemin est emprunté souvent il finira par devenir nettement tracé, l'herbe sera éliminée et laissera apparaître un sentier bien marqué, un sentier battu comme l'on dit. On le retrouvera facilement même après plusieurs mois de non fréquentation. Il en va de même pour les "sentiers" de la mémoire.

 

Les jeunes apprennet-ils plus facilement?


Plus important que les neurones: les connexions qui les relient.

 

Voilà une affirmation que l'on entend fréquemment dans la bouche des adultes. La réponse est à la fois Oui et non!

Plus on est jeune, plus on a de neurones. Ils disparaissent progressivement avec l'âge. Mais ceux qui disparaissent sont ceux qui restent sans connexions avec les autres. Et les autres peuvent toujours établir entre eux des milliards de nouvelles connexions. Or ce ne sont pas les neurones en eux-même qui font la mémoire mais leurs inter-connexions.

Plus on est jeune, moins on sait de choses, et donc, moins le cerveau est encombré (Ben oui: l'expérience c'est très bien, mais.... elle encombre!). Un cerveau jeune a donc plus de neurones disponibles et surtout, moins de connexions déjà établies. Voila toute la différence. Mais je rassure les "vieux": nous ne parviendrons jamais à saturer l'immensité des ressources qui restent disponibles....

 

Application à l'apprentissage du diato

 

Chacun pourra constater que nous ne sommes pas tous égaux devant la capacité à mémoriser un air ou un doigté. Nous le traduisons en disant que " certains sont plus doués que d'autres ".

A dire vrai il ne s'agit pas de don, mais plutôt d'entraînement. Ceux qui apprennent le plus facilement sont ceux qui ont déjà été habitués à certaines notions de base. Par exemple, les danseurs et les chanteurs auront plus de facilités pour apprendre la notion de rythme, parce que cela fait déjà partie de leurs réflexes déjà acquis (mais pas innés).

 

1 - Attention aux faux départs

 

Avant de tracer notre chemin dans le pré, il vaut mieux avoir un plan, un objectif et une méthode. Si nous partons bille en tête, nous risquons de nous apercevoir que ce n'était pas le meilleur tracé. Reprendre un autre tracé implique que notre premier travail n'a servi à rien. C'est décourageant ! Pire : il constitue un " faux pli " dont il sera difficile de se débarrasser !

===> Bien regarder comment est construit le morceau, étudier le doigté, passer du temps à écouter avant de commencer.

 

2 - Répéter, répéter, répéter…

 

Passer sur le même chemin 1 fois par jour pendant 20 jours de suite sera plus efficace que de vouloir passer 20 fois en un seul jour.

===> Répéter régulièrement chaque morceau, par petites séquences de 10 à 15 mn, même lorsqu'on croit bien le connaître. Eviter de se torturer pour faire entrer l'air à tout prix. Une pause de un ou deux jours est souvent bénéfique. Lorsque vous estimez un air bien acquis, n'oubliez pas de temps en temps d'entretenir le chemin.

 

3 - Ne pas sortir du sentier déjà tracé

 

Lorsqu'on change intempestivement de sentier, on en crée un second et on laisse le premier s'effacer. Saurez-vous plus tard reconnaître celui qui était le meilleur ?

===> choisissez bien votre doigté au départ, avec un minimum de changements de main. Si vous ne jouez pas deux fois les mêmes boutons pour une même phrase musicale, ne vous étonnez pas que votre cerveau ne s'y retrouve plus. Soyez rigoureux. Certains doigtés paraissent plus faciles à priori, mais s'avèrent très scabreux lorsqu'on doit jouer l'air à vitesse normale.

 

4 - Va doucement parce qu'on est pressé !

 

Vouloir aller trop vite, alors que le chemin n'est pas encore bien tracé, c'est risquer de faire plusieurs tracés différents. Tôt ou tard il faudra le payer par un retour à la case départ.

==> Prenez le temps de décomposer la phrase musicale en petits éléments. Répétez ces éléments jusqu'à bien les " sentir ", puis mettez-les bout à bout. Jouez-les dans le bon rythme dès le départ et ne confondez pas rythme avec vitesse. Pour une vitesse donnée, le rythme est la proportionnalité qui existe entre notes courtes et notes longues et qui permet de retomber " sur ses pieds " (sur les temps, si vous préférez). Autrement dit, le rythme est la façon d'agencer les notes. Il est caractéristique du morceau. Il doit rester identique quelle que soit la vitesse d'exécution (le tempo).

 

5 - Main droite / main gauche: apprendre ensemble ou séparément?

 

Comme nous venons de le voir, nous n'apprenons pas avec notre main droite et notre main gauche mais avec notre cerveau qui redistribue ensuite les ordres d'exécution à la main gauche et à la main droite.

Or notre cerveau ne sait pas faire deux choses à la fois, sauf lorsque ces deux choses sont devenues des réflexes automatiques. (Pléonasme me diront les linguistes ;-)). Par exemple je peux conduire ma voiture tout en discutant avec mon passager. Mais si un événement imprévu survient (un obstacle par exemple), mon cerveau soudainement mobilisé par la chose prioritaire qui vient de survenir interrompt immédiatement et spontanément la conversation en cours ...

Lorsque j'ai appris à conduire, la partie de mon cerveau, appelée hippocampe, a été mobilisée. Quand j'apprend quelque chose de nouveau, un nouvel air par exemple, il se passe la même chose: c'est l'hippocampe qui est mobilisé. Au fur et à mesure que je répète l'apprentissage, il se produit progressivement un transfert des choses apprises vers une autre partie du cerveau: la bibliothèque des choses mémorisées, dont la fonction est de stocker les acquis. L'exécution de ces choses acquises devient alors automatique et, au bout d'un certain temps d'apprentissage, variable suivant les individus, je peux jouer mon air à la main droite, presque comme je conduis ma voiture. Plus je le répète, plus je peux le jouer sans y penser.

Au fur et à mesure que mon hippocampe transfère le jeu de ma main droite au centre des automatismes, il redevient libre pour apprendre autre chose: le jeu de ma main gauche par exemple. Et surtout, l'apprentissage devient efficace, au lieu de vouloir tout apprendre en même temps et de passer des jours et des jours.... à cafouiller.

C'est pour cette raison essentielle qu'il me paraît contre-productif pour un débutant qui déchiffre un air, de vouloir apprendre simultanément la main droite et la main gauche.

Quiconque apprend le vélo n'a pas à se préoccuper de savoir si la roue avant tourne en phase avec la roue arrière: les deux sont tout bêtement solidaires par le sol sans que cela demande à l'apprenti le moindre effort de compréhension. Si la roue arrière roule, le reste suit automatiquement. Une seule chose mobilise l'esprit de l'apprenti: faire rouler le vélo globalement, un point, c'est tout.
Ce n'est pas du tout la même chose pour l'apprentissage du diato: Car pendant que la main droite tatonne pour chercher la mélodie, la main gauche, via le cerveau, devrait simultanément chercher les bons accords et en plus... dans un rythme différent de celui de la main droite. Cela me parait pour le cerveau de l'apprenti, aussi doué soit-il, beaucoup trop de choses à apprendre en même temps.

Pourtant, étant enseignant moi-même j'ai observé qu'il était relativement facile à l'élève d'apprendre main droite et main gauche simultanément.......mais seulement dans le cas d'un air très simple dans lequel la main droite n'a à jouer qu'une note par temps (des noires) et que cela coïncide avec le tempo de la main gauche.... Mais dès que la main droite doit jouer des croches, la main gauche se met automatiquement à suivre le même rythme !!!!

.... Et tout le système s'effondre d'un bloc !

Et alors, si le prof persiste à vouloir la simultanéité MD - MG le risque est grand de voir l'élève jeter l'éponge parce que "c'est trop compliqué" pour lui. Dommage! non?

C'est, au contraire, tout bénéfice si on procède successivement: main droite d'abord, accompagnement main gauche par dessus (et non pas séparément) aussitôt que cela paraît possible à l'apprenti (et non au maître).

L'apprentissage successif des deux mains permet, dans un premier temps, de focaliser toute l'attention sur l'apprentissage de la mélodie seule; Il permet ainsi d'acquérir l'air bien plus vite, et de l'avoir en tête comme on dit. L'air, et la façon de le jouer, passent ainsi bien plus rapidement de la zone apprentissage du cerveau à la zone mémoire des automatismes. La zone apprentissage devenant alors, à nouveau libre pour apprendre l'accompagnement main gauche.

Notons qu'il ne s'agit pas de dissocier purement et simplement l'apprentissage main droite et main gauche. Il s'agit d'apprendre la main droite et de venir ajouter la main gauche sur la main droite acquise (ou pratiquement). Vu comme çà, la main droite étant (quasiment) acquise, on vient l'enrichir de la main gauche. Cette façon de faire permet plus facilement d'associer (et de mémoriser) telle basse avec telle note de la mélodie, ou tel accord avec telle autre. Ce qui facilite l'assimilation des temps forts et s'avère très bénéfique pour l'acquisition du rythme.

La séparation des deux mains lors de l'apprentissage ne signifie nullement que l'on apprenne aujourd'hui la mélodie... et que l'on repousse l'accompagnement aux calendes grecques! Bien entendu il faut ajouter la main gauche aussitôt que possible mais seulement lorsqu'on se sent prêt pour cela. L'apprentissage simultané est fait pour les pros qui maîtrisent déjà parfaitement l'instrument. Il n'est pas adapté au débutant parce que celui-ci a beaucoup trop de choses à assimiler en même temps. Le pro, lui, par définition, a déjà assimilé tout cela (en principe...

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