L'accordéon Diato des amateurs

 

Quelques techniques pour le diato

 

 

Les doigtés:

 

Remarque préliminaire

Ce qu'on appelle un doigté est tout simplement un "chemin" emprunté par les doigts pour exécuter un bout de mélodie. Autrement dit c'est une succession de boutons que les doigts frappent pour obtenir le résultat recherché.

Il faut constater, de prime abord, que tous les doigts n'ont pas la même agilité, le même temps de réponse à une sollicitation mentale. Les plus agiles sont incontestablement l'index et le majeur. L'annulaire et le petit doigt sont des doigts "suiveurs". Dans tous les gestes de la vie courante, ces deux derniers se contentent de venir renforcer les gestes des deux premiers. Faites l'expérience simple de saisir un verre posé sur la table. Vous pouvez aisément le saisir en faisant intervenir seulement le pouce et l'index. Le majeur intervient en renfort. L'annulaire et le petit doigt suivent -- on pourrait dire -- par habitude. Essayez maintenant de saisir le verre en vous servant uniquement du pouce, de l'annulaire et du petit doigt et vous comprendrez aisément que ces deux derniers doigts ne sont pas habitués à être des doigts "directeurs".

Il en va de même sur le clavier de votre diato.

 

Qu'est-ce qu'un doigté ?

Le doigté pour un instrument de musique est à peu de choses près ce que le parler est au langage.

Lorsque nous avons appris à parler nous avons commencé par apprendre la prononciation d'unités phonétiques fondamentales que sont les syllabes. Puis nous avons appris à assembler les syllabes pour construire des mots. Puis nous avons appris qu'en agençant les syllabes de différentes manières on pouvait fabriquer des mots différents qui n'avaient pas la même signification. Puis nous avons assemblé des mots pour faire des phrases....

Lorsque nous apprenons le diato -- mais c'est vrai pour n'importe quel instrument de musique, et pour n'importe quel instrument tout court -- nous apprenons un "chemin élémentaire" des doigts sur les boutons pour exécuter une bribe de phrase musicale. Puis un deuxième "chemin élémentaire" pour la bribe de phrase suivante. Puis un troisième.... Puis un quatrième.... Nous assemblons le tout pour exprimer une phrase musicale complète.

Apprendre à s'exprimer avec un instrument n'est donc qu'apprendre à faire des phrases... dans une langue différente. En l'occurence la langue de l'accordéon diatonique.

Le doigté est la façon d'agencer ces "chemins élémentaires" pour construire une phrase musicale. C'est une sorte de puzzle où chaque pièce est un doigté élémentaire. Il y a de multiples façons d'assembler les pièces élémentaires pour construire un morceau finalisé. Suivant les assemblages utilisés (suivant la succession des doigtés élémentaires) on aboutira à une construction plus ou moins heureuse.

 

Comment se construisent nos doigtés ?

Nos petits "chemins élémentaires" préférés naissent des automatismes élémentaires engrangés au cours de l'apprentissage. Cela a quelques conséquences:

Si nous avons appris un mauvais automatisme, nous risquons de le traîner longtemps.Imaginez notre diction si nous avions appris à prononcer les sons "é" en "è": nous prononcerions tèlèvision pour télévision... et tout le reste à l'avenant!

Les "chemins élémentaires" doivent pouvoir s'emboîter facilement pour obtenir une succession facile et donc... fluide. Comme il y a plusieurs façons de produire une séquence de notes, nous devons choisir les façons qui offrent les meilleures chances d'accrochage facile pour construire une phrase fluide..

Voila une bonne raison d'apprendre avec un prof. Encore faut-il que ce prof soit en mesure de proposer et de justifier les meilleurs doigtés élémentaires. ATTENTION, il ne s'agit pas de normaliser (au sens d'uniformiser) les doigtés. Il s'agit tout juste d'éviter les erreurs flagrantes et handicapantes. Le prof doit pouvoir dire à son élève, par exemple: "Tu peux prendre ce chemin là, mais celui-ci, qui te paraît moins évident aujourd'hui, sera applicable dans beaucoup plus de situations, et surtout lorsque tu devras jouer avec une vitesse qui demandera une grande agilité des doigts"

Ces petits bouts de chemins automatisés vont s'agencer automatiquement plus tard, logiquement, comme les pièces d'un puzzle, comme se construit le parler, pour aboutir à un véritable système d'exploitation du clavier. Or tous les systèmes d'exploitation n'ont pas les mêmes caractéristiques et ne se valent pas forcément...

Remarque: Les producteurs de tablatures ne proposent, la plupart du temps, que des indications de doigtés: soit le doigt pour commencer, soit pour un passage plus difficile qui nécessite des changements de position de main. S'ils ne proposent pas un doigté complet ce n'est pas par négligence, mais pour respecter les automatismes de chacun.

***Je ne connais que les tablatures publiées dans TradMag pour proposer un doigté complet.

 

Voici quelques pistes pour aider les débutants

Vous aurez noté que je parle de "pistes" et non de "règles" car, je le répète, il n'y a pas de doigté normalisé.

1- Ne négligez pas votre petit doigt ! que ce soit celui de votre main droite ou celui de votre main gauche.
Je ne perds pas de vue le fait qu'il y a des diatonistes qui jouent avec 3 doigts, voir même avec 2 seulement. Mais observez-les: leur main se ballade beaucoup plus sur le clavier. Normal ! puisque les changements de positions de main sont multipliés; et les risques de tomber à côté du bon bouton aussi... S'ils y arrivent bien c'est tant mieux pour eux. Ce n'est pourtant pas une bonne raison de prendre exemple sur eux car il leur a fallu beaucoup plus de travail et d'entraînement pour apprendre à gérer leur clavier.
Observez encore qu'avec 4 doigts actifs: l'index, le majeur, l'annulaire et le petit doigt vous pouvez jouer 8 notes à suivre dans la gamme soit une octave entière. Or la majorité des morceaux se jouent sur une seule octave. Pas de changement de main à prévoir: plutot pratique non ?

2- un doigt qui actionne un bouton numéroté X sur la rangée extérieure (rangée de Sol) sera le même qui actionnera le bouton numéroté X' sur la rangée intérieure (rangée de Do). Et réciproquement bien sûr!
Cela suppose donc de faire un saut de doigt d'une rangée à l'autre. Exemple: Dans un morceau qui commence par 9' - 9' - 9 - 9 -9' - 9' - 9 - 9 - 9 - 7' - 9 - 8' ...... (comme une certaine Tarentelle que vous trouverez ici) ce sera le petit doigt qui exécutera le 9 et le 9', même si cela vous paraitra plus simple de jouer le 9' avec le petit doigt et le 9 avec l'annulaire afin d'éviter le saut entre 9 et 9'. Car même en jouant petit doigt et annulaire, vous serez obligé de repositionner votre petit doigt sur le 9 (là où il y a 9 - 9 - 9 à suivre) pour pouvoir continuer votre phrase.
Vous rencontrerez cependant des exceptions, notamment lorsque des changements importants de position sont nécessaires. Néanmoins, je vous recommande fortement de respecter ce principe général.

3- Lorsqu'un bouton se joue au moins 3 fois de suite (pas forcément les mêmes notes: il peut y en avoir 2 en tiré et 1 en poussé) jouez les avec 2 doigts qui se remplacent sur ce même bouton, exactement comme on exécute un triplé (voir ici pour plus de détails). Cette technique aussi vous paraîtra plus difficile au début. Mais lorsque l'automatisme sera acquis, vous verrez que vous gagnerez en précision de jeu, en régularité des notes et en vitesse d'exécution. A titre d'exemple, c'est ainsi que je joue l'En-dro jeu Chanj'tu que vous trouverez ici)

4- Les indications de doigtés ne sont généralement portés sur la tablature que pour les passages délicats. Lors du déchiffrage d'un morceau, méfiez-vous des doigtés qui "paraissent" plus faciles que ceux indiqués.
En effet, on déchiffre à vitesse lente. A cette vitesse, presque tous les doigtés "passent" parce qu'on a suffisamnent de temps pour y réfléchir. Lorsque vous jouerez le morceau à vitesse normale, vous n'aurez plus le temps de penser; à ce stade le doigté ne devra plus être guidé que par les automatismes acquis. Et souvent vos doigts vont faire des ... noeuds!

 

Les changements de main:

 

Ce que j'appelle changement de main est en fait, un changement de position de la main sur le clavier; c'est-à-dire un décalage plus ou moins important des doigts vers le haut ou vers le bas pour poursuivre le morceau. Les changements de main sont des ruptures de continuité du doigté.

Ces changements de main apparaissent comme difficiles au début, tout comme il apparait difficile de domestiquer le petit doigt. Pourtant il faut arriver, à la longue, à exploiter tout le clavier de haut en bas, en faisant parfois de grands ponts!!! Tout devient facile avec l'habitude, dit-on, .... sauf se lever le matin!

Pour les changements de main il y a deux politiques:

Je suis nettement en faveur de la seconde.

Exemples:

Il y a plein d'autres cas de figures. Il faut en essayer plusieurs et adopter celui que vous sentez le mieux. Vous vous apercevrez souvent que celui que vous sentiez le mieux hier, vous ne le sentirez plus aussi bien demain: un autre doigté, plus naturel, se sera imposé.

 

Et lorsque la même touche est répétée . ? . ? . ?:

Il arrive assez fréquemment que la même touche doive être répétée, notamment dans les jigs, reels et autres morceaux dits "rapides" ainsi que pour exécuter les triplés (ornements). Faut-il alors répéter les notes avec le même doigt ou avec des doigts différents ?
Il y a, à ce sujet plusieurs écoles.

Personnellement je distingue deux cas de figure:
1- Je dois répéter deux notes
2- Je dois répéter trois notes ou plus.

Notez bien, tout d'abord, que le choix d'un doigté plutôt qu'un autre vise deux objectifs:
- exécuter correctement les notes prévues, et
- assurer la fluidité de la mélodie
.
Ce deuxième objectif signifie qu'une fois exécutées les notes répétées, je dois être en mesure de poursuivre la mélodie avec aisance. Or la poursuite de la mélodie avec aisance suppose que les doigts ne changent pas fondamentalement de position sur le clavier. Ainsi, tout au long de la mélodie, les mêmes doigts répèteront les mêmes positions pour les mêmes notes. C'est nettement plus facile pour le cerveau !!! Mais revenons à nos moutons.

1- Je dois répéter deux notes: Si je change de doigt pour la deuxième note, ma position globale sur le clavier va changer. Est-ce que la suite de la mélodie va pouvoir se poursuivre sans accrocs? Je ne suis pas favorable à cette méthode, d'autant que l'exécution de deux mêmes notes, même "rapides" s'exécutent facilement. Ce n'est plus le cas pour trois notes répétées.

2- Je dois répéter trois notes: exemple 7 7 7.
Supposons que j'arrive naturellement sur le premier 7 avec le majeur; je peux exécuter le second 7 avec l'index (ou au choix avec l'annulaire); puis le troisième 7 à nouveau avec le majeur. Résultat: J'ai retrouvé ma position initiale qui ne perturbe pas la suite de la mélodie.
C'est la même chose quel que soit le doigt qui tombe naturellement sur le premier 7. Je suis donc favorable à la règle suivant
e:

Deux notes répétées

Répétition avec un seul doigt

Trois notes courtes répétées
exemple: triplé, triolet

Répétition avec deux doigts.

Trois notes inégales répétées
exemple: noire-croche-croche ou croche-croche-noire

Répétition avec un seul doigt car la noire laisse suffisamment de temps à la répétition. On se retrouve dans le cas de figure N°1. Mais on peut aussi utiliser deux doigts.

Enfin, retenez aussi que tout autre doigté est valable .... aux deux conditions que les notes répétées ne soient pas une bouillie et que la suite du morceau reste parfaitement fluide.

 

Le phrasé:

 

Le "phrasé" c'est la façon dont l'exécution du morceau se déroule. Comparons avec la diction d'un texte:

Un texte est composé de phrases. La phrase est bâtie avec des mots qui ont des fonctions précises: sujet, verbe complément, etc... Exemple: L'accordéon diatonique est un instrument de musique convivial,

Il y a de multiples façons de dire cette phrase.
      1. Je peux la bredouiller et personne n'aura rien compris à ce que je veux dire.
      2. Je peux la dire sur un ton monochorde et même si on me comprend je n'aurai guère suscité l'intérêt de mes interlocuteurs.
      3. Je peux la dire avec des accents toniques bien placés qui vont rendre ma phrase percutante et persuasive.
      4. Je peux même modifier les mots ou les ornementer de qualificatifs qui vont encore ajouter à la persuasion tout en les chargeant de couleurs, d'émotions: Ah! le diato! Voilà un instrument super convivial!
      5. etc...

       

De même, en musique, le phrasé est la façon d'exprimer la phrase musicale.

Une phrase musicale doit se jouer en exprimant clairement les notes, en faisant ressortir les différences d'intonation au cours du déroulement des séquences musicales, en accentuant celles-ci aux bons endroits, en posant des respirations là où elles sont nécessaires, en "aérant" le thème par l'ornementation de certaines notes, ou encore par une interprétation appropriée, ... Bref, en y incluant donc quelques doses d'émotion.

En d'autres termes on pourrait dire qu'il y a mille façons d'exprimer une musique, entre les deux extrêmes suivants: L'exécution mathématique, exacte et... froide. Et l'autre qui s'exprime avec des accents qui reflètent les sensations réellement vécues par l'interprète.

Donc, suivant le but recherché, les interprètes ont à choisir des objectifs et, comme au théâtre, à appliquer certaines techniques.

Le phrasé "coulé" de la valse s'obtient en utilisant le jeu croisé qui limite les coups de soufflets, et en liant les notes à la main droite. On accentuera encore ce "coulé-lié" en tenant la basse toute la durée de son temps à la main gauche, tandis que les accords seront brefs et discrets.

Le rythme "gavotte" trouvera une expression plus appropriée en favorisant le tiré-poussé sur un rang associé à une culture de l'ornementation à la mélodie. Le tiré-poussé provoque une rupture automatique entre les notes contiguës, ce qui a pour conséquence de "détacher" les notes les unes des autres et d'engendrer un phrasé que l'on qualifie de "staccato". On ne négligera pas pour autant certaines liaisons entre des notes longues lorsqu'elles correspondent à des pas "traînés" (Danz a ruz, gavottes de l'Aven...)

Le swing: Voilà un terme très usité chez les musiciens professionnels et chez les amateurs éclairés pour qualifier une musique "qui balance" ...comme dans le jazz, à l'instar - me dit-on - du clarinettiste et chef d’orchestre Benny Goodman qui fut l’un des plus éminents représentants du swing. Mais cela ne donne guère d'explication sur la ou les techniques qui permettent d'obtenir ce phrasé particulier.
En matière de gavotte, écoutez la différence qui est facilement perceptible entre le jeu carré d'une gavotte écrite en 4/4 et interprétée comme telle c'est-à-dire en binaire et le jeu plus enlevé et aérien de la même gavotte écrite et interprétée en ternaire. Si ces fichiers de sons Midi ne sont pas suffisamment convaincants, écoutez maintenant une gavotte en .Wav interprétée par Jean Coateval, l'un des meilleurs gavotteurs swing de Bretagne (aujourdh'ui disparu). Le swing gavotte est dû essentiellement à l'écriture et surtout à l'interprétation de la musique en mode ternaire: un temps est décomposé en deux parties inégales 1 croche + 1 noire, allors qu'en binaire ce temps serait décomposé en 2 croches d'égale valeur ce qui rendrait le morceau plus plat. Ce rendu swing est aussi accentué par le fait que certaines noires sont piquées (= écourtées pour laisser de la place à du silence qui complète la valeur de ces noires).

Les temps forts des danses correspondent aux pas très marqués. Ils pourront trouver un soulignement avec la technique des suites de basses à la main gauche.

En vérité, il n'y a pas de règle strictement définie style "telle technique pour telle situation". Tout est question de feeling, d'osmose avec les auditeurs (osmose qui sera différente suivant qu'il s'agit de danseurs ou de public statique...)

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