Mon
dieu, quelle triste vie
Que la vie du mat'lot :
Il mange des gourganes
Il ne boit que de l'eau ;
Il couche sur la dure
Sur un vieux lit de camp ;
Il fait triste figure
Quand il n'a plus d'argent,
Quand il n'a plus d'argent.
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Et
toi, ma pauvre mère
Qu'as-tu fait de ton fils ?
Marin, c'est la misère,
Marin, c'est trop souffrir !
J'ai encore un p'tit frère
Qui dort dans son berceau :
Je t'en supplie ma mère,
N'en fais pas un mat'lot,
N'en fais pas un mat'lot.
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Adieu,
chers camarades
Adieu, faut se quitter ;
A bord de la " Bretagne "
Nous devons embarquer ;
Passant par la coupée
Pour se faire effacés
A l'officier d' marine
Faudra se présenter,
Faudra se présenter
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Et
si je me marie
Et que j'ai des enfants,
Je leur cass'rai un membre
Avant qu'ils soyent grands !
Je ferai mon possible
Pour leur gagner du pain,
Le restant de ma vie
Pour pas qu'ils soyent marins,
Pour pas qu'ils soyent marins.
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On
se fait mettre en ligne
Sur le gaillard d'avant
" Prenez du bourbillage
Astiquez les cabestans "
Un jeune quartier-maître,
La garcette à la main,
Aux ordres d'un second-maître
Nous astique les reins,
Nous astique les reins.
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Et
vous, jeunes fillettes
Qui avez des amants,
Sur ces navires de guerre,
Ces grands bagnes flottants,
Restez-leurs-y fidèles
Gardez-leur votre cœur
A ces marins modèles
Qui ont tant de malheur,
Qui ont tant de malheur.
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Dimanches
et jours de fête
Il nous faut travailler
Comme les bêtes de somme
Qui sont chez nos fermiers.
Un jeune quartier-maître
Nous dit " Dépêchez-vous "
Les forçats de Cayenne
Sont plus heureux que nous,
Sont plus heureux que nous. |
Et
si j'ai le bonheur,
Un jour, d'être congédié,
Dans les journaux de France
Je ferai publier :
" Prenez bien garde mes frères
De vous faire embarquer
Sur un navire de guerre
Où l'on vous fait crever,
Où l'on vous fait crever… "
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